Neurophysiologie : indice de la transmission spinale : Le réflexe H

Sidney Grosprêtre

Université de Franche-Comté, Laboratoire C3S

sidney.grospretre@univ-fcomte.fr

 

Illustration présentant le principe du réflexe H dans l’analyse de l’excitabilité spinale (ici sur les muscles du triceps sural, les plus couramment utilisés dans ce type d’étude). En haut à gauche le dispositif expérimental pour stimuler le nerf. Cette stimulation (flèche jaune) aura pour effet d’activer la boucle réflexe (réflexe myotatique, ou réflexe d’étirement), ici en rouge. On enregistrera l’effet de cette stimulation grâce à l’électromyographie de surface, sous la forme d’une onde électrophysiologique: l’onde H.

 

 

« Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement. »

  1. Einstein, Comment je vois le monde, 1934

 

Au-delà de l’ironie portée sur l’armée, cette phrase en dévoile beaucoup sur la vision qu’avait Einstein de la motricité humaine. Dans la première moitié du XXème siècle, peu de gens étaient à même de saisir réellement le sens de ses propos, bien qu’on puisse aujourd’hui le deviner. Il est en effet classiquement admis depuis bien longtemps que la moelle épinière est le siège d’actions automatisées tandis que le cerveau est l’organe de gestion d’actions volontaires complexes.

La moelle épinière constitue à elle seule un mystère, peut-être même encore plus grand que celui du cerveau, tant la circuiterie qui la compose est complexe. Ce niveau de commande nerveuse n’est pas un simple relais entre le cortex et le muscle, mais se révèle être aussi un centre d’intégration des différentes informations corticales et périphériques afin de générer la commande finale (Pierrot-Deseilligny et Burke 2005). La notion de réflexe lui donne tout son sens. Un réflexe est une réponse motrice involontaire suite à une stimulation des capteurs sensoriels. Dans ce cas, la commande musculaire n’est pas générée par les centres supraspinaux, mais bien au niveau de la moelle épinière. Cette dernière assure également le traitement et l’intégration d’informations provenant de différentes sources : la commande corticale et les entrées sensorielles.

L’analyse de l’activité électromyographique émanant du muscle (voir article ici) ne représente en réalité qu’une mesure globale de l’activation nerveuse, incluant des modulations à tous les niveaux (cérébral et médullaire). Tandis qu’il existe plusieurs méthodes pour analyser, chez l’homme, l’activité cérébrale, la stimulation des voies réflexes est l’une des seules méthodes pour analyser l’excitabilité spinale.

Décrite en premier par l’allemand Paul Hoffmann qui lui donnera son nom, la méthode du réflexe H est très plébiscité par les chercheurs aujourd’hui pour distinguer les adaptations spinales ou corticales subséquentes à un exercice physique, aigu ou chronique.  En réalité, le réflexe H ne représente pas une boucle réflexe complète, mais plus précisément une composante d’un réflexe physiologique : le réflexe d’étirement, ou réflexe myotatique (voir figure). Une impulsion électrique percutanée sur le trajet d’un nerf moteur induit une dépolarisation des fibres sensorielles. Si les bons paramètres d’impulsion sont respectés, l’influx électrique se propage alors le long des fibres nerveuses captant habituellement un étirement du muscle : les afférences Ia. En enregistrant l’activité EMG du muscle considéré, on observe un pic de longue latence après la stimulation (entre 25 et 40 ms selon la taille du sujet et le muscle étudié) : la réponse H, qui représente bien une réponse réflexe suite à la stimulation du nerf.

 

Le réflexe myotatique et voie du réflexe H. La stimulation d’un nerf mixte (STIM) entraine une dépolarisation des afférences Ia en direction de la moelle épinière. Ces afférences connectant monosyaptiquement les motoneurones alpha, cette décharge aboutiera à l’enregistrement d’un réflexe H (1+2+3). Selon l’intensité de stimulation, les axones des motoneurones sont également dépolarisés, entrainant une activation directe du muscle, que l’on enregistrera comme réponse M (3). Se créée alors également une volée antidromique au sein des axones (3′) qui entrera en collision avec la voie réflexe, supprimant la décharge réflexe de ces mêmes axones.

 

Il a par exemple été montré que l’amplitude du réflexe H variait en fonction de la posture dans laquelle il était mesuré, étant réduit entre assis et debout (Koceja et al. 1995). Cela traduit une adaptation de l’activité réflexe en fonction de la complexité posturale de la tâche. Le réflexe H a également été à de nombreuses reprises utilisées pour comprendre les mécanismes sous-jacents de la contraction excentrique, connue pour avoir une activation nerveuse particulière (Duchateau et Enoka 2016). Enfin, la capacité à moduler son excitabilité spinale représentant un facteur important d’efficacité du système neuromusculaire, l’étude des variations du réflexe H avec l’entrainement (adaptation chronique) ou après une séance (adaptation aigue) est très largement répandue dans la littérature.

 

Mots clés

 Neurophysiologie, Excitabilité spinale, réflexe H, stimulation nerveuse, EMG

 Références

Hugon M., Methodology of the Hoffman reflex in man, Human Reflexes, Pathophysiology of Motor Systems, Methodology of Human Reflexes, J.E. Desmedt, ed. Karger, Basel, 1973.

Pierrot-Deseilligny E & Burke DC (2005). The Circuitry of the Human Spinal Cord : Its Role in Motor Control and Movement Disorders. Cambridge University Press, Cambridge.

Tucker KJ, Tuncer M, Türker KS, A review of the H-reflex and M-wave in the human triceps surae, Hum Mov Sci., 24(5-6):667-88, 2005.

Koceja DM, Markus CA, Trimble MH, (1995) Postural modulation of the soleus H reflex in young and old subjects. Electroencephalogr Clin Neurophysiol, 97(6):387-93.

Duchateau J, Enoka RM. Neural control of lengthening contractions.  J Exp Biol. 2016 Jan;219(Pt 2):197-204. doi: 10.1242/jeb.123158. Review.

 

Biographie de l’auteur du billet

 

Sidney Grosprêtre est MCU en STAPS (neurophysiologie) au laboratoire C3S de l’université de Besançon. Ses recherches portent sur la plasticité neuromusculaire aigue (fatigue) ou chronique (entrainement). Il est spécialiste du Parkour, une activité physique de franchissement d’obstacles, ayant été président de la fédération nationale de Parkour de 2011 à 2017.