Physiologie : mesure de la viscosité sanguine

Philippe Connes

1) Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité (EA7424), Equipe « Biologie Vasculaire et du Globule Rouge », Université Lyon 1, Villeurbanne ; 2) Laboratoire d’Excellence sur le Globule Rouge (Labex GR-Ex), Paris ; 3) Institut Universitaire de France ; Paris

pconnes@yahoo.fr

La viscosité d’un fluide peut être calculée en faisant le rapport de la contrainte de cisaillement (τ ; c’est-à-dire les forces tangentielles de frottement qui s’exercent entre les différentes couches de fluides parallèles) sur la vitesse de cisaillement.

Le sang est un fluide non-newtonien, rhéofluidiant (sa viscosité diminue avec l’augmentation de la vitesse de cisaillement), avec des propriétés visco-élastiques (il est caractérisé par la présence d’un seuil d’écoulement en dessous duquel il ne s’écoule pas) et thixotropes (changement des ses propriétés visqueuses au cours du temps pour un cisaillement donné). Ces propriétés biophysiques complexes sont liées notamment à la capacité des globules rouges à s’agréger à faible vitesse de cisaillement et à se déformer à vitesse de cisaillement élevé : elles justifient d’utiliser des techniques d’analyse spécifiques, précises et validées par la communauté scientifique (1).

La viscosité sanguine est une variable biologique importante impliquée dans la modulation des résistances vasculaires. Sur le plan purement mathématique, une augmentation de la viscosité sanguine d’un facteur 2 se traduit par une augmentation des résistances vasculaires également d’un facteur 2 (loi de Poiseuille). En réalité, les choses sont un peu plus complexes. En effet, l’augmentation de la viscosité sanguine se traduit également par une augmentation de la contrainte de cisaillement appliquée aux parois vasculaire qui va conduire à une stimulation de l’activité de la NO-synthase (NOS) endothéliale, une augmentation de la production de monoxyde d’azote (NO) et ainsi une vasodilatation compensatrice (2). De part son rôle dans la physiologie cardiovasculaire, un nombre important d’études se sont intéressées 1) à son implication dans différentes pathologies chroniques (cardiovasculaires, métaboliques, hématologiques, etc…) et 2) à ses modifications au cours d’un effort physique, de l’entraînement et son rôle dans les performances d’endurance.

 

COMMENT LA MESURER

Pour décrire les propriétés biophysiques du sang, il s’agira de soumettre ce fluide à différentes vitesses de cisaillement à l’aide d’un viscosimètre (ou à différentes contraintes de cisaillement à l’aide d’un rhéomètre). On trouve plusieurs types de viscosimètre. Pour le sang, les plus connus sont les suivants :

  1. viscosimètre de type couette : constitué de deux cylindres coaxiaux l’un est mis en rotation avec la vitesse angulaire ω. L’autre est entraîné par les forces de viscosité et est maintenu immobile par l’application d’un couple.
  2. Viscosimètre cône plan : constitué d’un plan dans lequel va être cisaillé le sang grâce à un cône tournant à des vitesses croissantes.

D’autres types de viscosimètre peuvent être utilisés mais il faut vérifier qu’ils sont adaptés pour des fluides non-newtoniens.

On évalue la viscosité sanguine en fonction de la vitesse de cisaillement. Celle-ci diminue lorsque la vitesse de cisaillement augmente.

 

MATERIEL REQUIS

  • Tubes de sang (EDTA ou héparine)
  • Pipettes et embouts
  • Gants
  • Viscosimètre
  • Bain thermostaté (les mesures s’effectuent à 37°C)
  • Eau distillée

 

ETAPES (pour un système cône plan)

  • Ajuster l’entrefer (gap) du système cône plan.
  • Enlever le plan (sans faire varier l’entrefer)
  • Ré-homoégéniser le tube de sang (éviter de le vortexer)
  • Si vous utilisez un viscosimètre cône plan, déposer une quantité précise (0.5 ml) de sang au centre du plan.
  • Refixer le plan sans faire varier l’entrefer.
  • Mettre en rotation le cône à différentes vitesses croissantes (noter la valeur stable à chaque fois).
  • Une fois terminée, nettoyer à l’eau le système cône plan, sécher avec du papier et recommencer avec un autre échantillon.

 

Remarques : a) en fonction de vos choix méthodologiques, vous pouvez décider de travail sur des échantillons à hématocrite standardisé (40% par exemple); b) en fonction des populations étudiées, vous pourrez décider de ré-oxygéner l’échantillon avant de commencer les mesures.

 

Mots Clés :

Physiologie, hémorhéologie, sang, globule rouge

 

Références :

  1. Baskurt OK, Boynard M, Cokelet GC, Connes P, Cooke BM, Forconi S, Liao F, Hardeman MR, Jung F, Meiselman HJ, Nash G, Nemeth N, Neu B, Sandhagen B, Shin S, Thurston G, and Wautier JL. New guidelines for hemorheological laboratory techniques. Clin Hemorheol Microcirc 42: 75-97, 2009.
  2. Connes P, Simmonds MJ, Brun JF and Baskurt OK. Exercise hemorheology: classical data, recent findings and unresolved issues. Clin Hemorheol Microcirc. 2013;53:187-99.

 

Biographie de l’auteur

 

Philippe Connes est Professeur des Universités à Lyon. Il pilote l’équipe « Biologie Vasculaire et du Globule Rouge ». Avant cela, il a passé 10 ans en Guadeloupe, tout d’abord en tant que MCU, puis sur un contrat d’Interface Inserm de 2008 à 2013. Depuis 2013, il est membre de l’Institut Universitaire de France. Son thème de prédilection est la drépanocytose où se mêlent des travaux cliniques, fondamentaux et de physiologie intégrative. Par ailleurs, il continue à explorer les réponses biologiques à l’effort (rhéologie du sang, inflammation, stress oxydatif, microparticules) chez le sujet sportif et malade. Il a publié plus de 170 articles dans des revues internationales indexées JCR.