L’athlète vétéran ou master : un modèle d’étude du bien-vieillir

Romuald Lepers et Thomas Cattagni

INSERM U1093, Dijon
INSERM U1179, Garches

Romuald.Lepers@u-bourgogne.fr ; thomas.cattagni@uvsq.fr


Denise Leclerc, 83 ans, athlète vétérane détentrice du record du monde féminin pour les 5 000 m et 10 000 m chez les plus de 80 ans.

 

Les athlètes vétérans (ou « masters » en anglais) sont des personnes qui s’entraînent et participent régulièrement à des compétitions sportives, réservées à des catégories d’âge généralement supérieures à 40 ans. Puisque l’athlète vétéran maintient un niveau d’entraînement soutenu jusqu’à un âge avancé, il n’est pas soumis aux effets délétères de l’inactivité physique. De ce fait, il est considéré dans de nombreuses recherches comme un modèle expérimental du vieillissement biologique primaire. En d’autres termes, il permet de caractériser les effets du vieillissement en dehors de facteurs environnementaux déterminants tels que la sédentarité.

Il y a eu, au cours des trois dernières décennies, une augmentation importante du nombre d’athlètes âgés participant à des compétitions sportives de haut niveau. Pour y exceller, il est essentiel que ces athlètes limitent au maximum les effets du vieillissement sur leurs capacités aérobies (endurance) et anaérobies (force et explosivité). On a longtemps pensé que l’altération des capacités physiques liée à l’âge était la simple conséquence du vieillissement dit « normal ». Or, il est maintenant démontré que les capacités physiques de personnes sédentaires âgées peuvent être améliorées après un entraînement physique. Ces observations suggèrent que l’une des principales causes du déclin des systèmes physiologiques (cardiovasculaire, neuromusculaire, respiratoire etc.) avec l’âge serait la sédentarité. Le fait de continuer à s’entraîner et à prendre part à des compétitions jusqu’à un âge avancé permet aux athlètes vétérans de maintenir des niveaux plus élevés de capacités aérobies et anaérobies par rapport aux populations sédentaires du même âge. Il a même été constaté que certains sportifs âgés de plus de 70 ans possédaient des capacités neuromusculaires ou cardio-respiratoires comparables voire supérieurs à la population moyenne de jeunes adultes (20-30 ans). Néanmoins, même chez les athlètes vétérans, un déclin des capacités aérobie et anaérobie liées à l’âge se produit.

Malgré ce déclin, leur participation et leur performance à des compétitions réservées aux athlètes âgés (p. ex. World Masters Games) ou des compétitions de masse comme le marathon, ne cessent d’augmenter. Compte tenu du nombre grandissant d’athlètes vétérans et de l’intérêt sociétal pour un vieillissement réussi en sein de la population, de nombreux travaux scientifiques sont conduis sur ces sportifs. Ces recherches visent à décrire les facteurs physiologiques permettant aux athlètes vétérans de maintenir des niveaux de performance physique relativement élevés et à évaluer les avantages pour la santé à maintenir des niveaux d’entraînement physique soutenu jusqu’à un âge avancé.

Au cours d’une étude récente, nous avons examiné la réduction liée à l’âge des performances de l’un des plus grands athlètes vétérans de tous les temps, le canadien Ed Whitlock, récemment décédé. Ed Whitlock fut par exemple le premier athlète à courir le marathon en moins de 3 h à l’âge de 70 ans, et en moins de 4 h à l’âge de 85 ans. Malgré des performances exceptionnelles en dépit de son âge avancé, le taux de réduction de ses performances a augmenté après 80 ans et s’est fortement amplifié après 85 ans. La présence d’un déclin accéléré de la performance en endurance après 80 ans doit être confirmée par d’autres études longitudinales et pour d’autres activités d’endurance telles que la natation et le cyclisme. En effet, des études antérieures ont suggéré que la baisse de performance en endurance liée à l’âge dépendait du mode de locomotion, avec une diminution moins prononcée en cyclisme par rapport à la course à pied ou à la natation.

Ainsi, les travaux menés sur les athlètes vétérans ont permis de rendre compte des trajectoires d’évolution des performances physiques avec l’avancée en âge, tout en s’affranchissant de facteurs environnementaux comme la sédentarité. A l’avenir, l’augmentation de la population d’athlètes vétérans, notamment pour les catégories d’âge de plus de 70 ans, permettra d’obtenir des cohortes de participants à des protocoles de recherche expérimentale plus importantes. Cela devrait permettre, à terme, d’identifier plus précisément les effets : 1/ du vieillissement sur certains systèmes physiologiques, tout en s’affranchissant de facteurs environnementaux tels que la sédentarité et 2/ de l’activité physique intensive sur les grandes fonctions physiologiques.

 

Evolution de la vitesse de course d’Ed Whitlock en fonction de l’âge pour différentes épreuves de course à pied. Notez que le déclin des performances devient plus prononcé après 80 ans.

Mots-clés
Vieillissement, athlètes vétérans, performance, âge

Bibliographie
Lepers R, Cattagni T. (2017) Age-related decline in endurance running performance – An example of a multiple World records holder. Appl Physiol Nutr Metab. doi: 10.1139/apnm-2017-0298. Sous-presse.

Lepers R, Stapley PJ. (2016) Master athletes are extending the limits of human endurance. Frontiers in Physiology 12;7:613. Review.

Lepers R, Stapley P, Cattagni T (2016) Centenarian athletes: Examples of ultimate human performance? Age & Ageing, 45(5): 732-736.

 

Les auteurs du billet

Romuald Lepers est professeur à l’Université de Bourgogne (Dijon) et membre du laboratoire INSERM U1093 CAPS. Ses thèmes de recherches portent principalement sur la plasticité du système neuromusculaire et les interactions entre la fatigue mentale et la fatigue physique. Il s’intéresse aussi à l’évolution des performances des athlètes masters.

 

 

Thomas Cattagni est post-doctorant au laboratoire INSERM End-icap U1179 (Équipe 3 : Thérapeutiques innovantes et technologies appliquées aux troubles neuromoteurs) de l’Université de Versailles – Saint Quentin-en-Yvelines (UVSQ). Ses recherches portent principalement sur la plasticité du système neuromusculaire lors du vieillissement et suite à une lésion du système nerveux central. Il s’intéresse également à l’évolution des performances des athlètes vétérans.

 

 

 

1 commentaire

  • bon jour je suis viterant de 58.ans i’ai 30.ans de participation cette anne je cour 14km p/h en l’entrainment 4.42 min par km je veux savoir

    est ce qu’ il ya des effets secondaires Merci

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