La stimulation magnétique transcranienne

Olivier Girard

Research and Education Center, ASPETAR
Qatar orthopaedic and Sports Medicine Hospital

oliv.girard@gmail.com

 


Placement de la bobine de stimulation magnétique sur la tête d’un participant

La stimulation magnétique transcrânienne (ou TMS, abréviation de l’anglais Transcranial Magnetic Stimulation) fût décrite pour la première fois par Arsène d’Arsonval en 1896. Cependant il faudra attendre les années 1980 pour voir apparaître les premières utilisations cliniques. En 1985, l’équipe du professeur Barker a notamment utilisé cette technique afin de dresser des cartes des aires motrices du cerveau en stimulant différents points du cortex cérébral.

La TMS est une technique utilisée dans le diagnostic des maladies neurologiques, comme outil d’investigation en neurosciences ou encore comme traitement clinique dans certaines affections psychiatriques (e.g. dépression, hallucinations auditives).

Du fait de son caractère non invasif, l’électromyographie de surface (EMG) en est souvent une méthode associée, utilisée pour quantifier le niveau d’activité d’un muscle et les modulations de la commande nerveuse. Dans le cadre de la TMS, cette technique permet de recueillir le potentiel moteur évoqué (ou MEP, abréviation de l’anglais Motor Evoked Potential) à l’aide d’électrodes positionnées à la surface de la peau. La mesure du couple de force, obtenu le plus souvent en conditions isométriques suite à des stimulations magnétiques surimposées, peut aussi être nécessaire afin de quantifier le niveau d’activation corticale.

La TMS consiste à appliquer une impulsion magnétique sur l’encéphale à travers le crâne de façon indolore au moyen d’une bobine. Conformément à la loi de Lenz-Faraday, la variation rapide du flux magnétique induit un champ électrique qui modifie l’activité des neurones situés dans le champ magnétique. Cette méthode permet de tester l’excitabilité de la voie corticospinale, allant du cortex moteur primaire aux motoneurones qui innervent les muscles périphériques.


Matériel requis

 

Les MEP sont obtenus à l’aide d’un stimulateur (par exemple Magstim) relié par un câble à un « coil » (=bobine) de stimulation. Différentes configurations de coil (circulaire ou « en forme de huit » ; 80 mm < diamètres < 110 mm) peuvent être utilisées selon le groupe musculaire étudié (fléchisseurs du coude, extenseur du genou le plus souvent). Celui-ci est positionné sur le scalpe du sujet et orienté en regard du cortex moteur gauche (e.g. 2 cm du vertex pour une investigation du membre droit) à hauteur du tragus de l’oreille de telle sorte que les MEP soient d’amplitude maximale. Une fois la position déterminée, il est nécessaire de marquer le point de stimulation et de stabiliser la position de la tête afin d’obtenir un niveau de reproductibilité satisfaisant.

 

La TMS étape par étape

 

1) Préparation du sujet. Cette étape consiste à positionner le sujet sur l’ergomètre et à lui attacher les électrodes de surface permettant la mesure du couple de force et du signal EMG.

2) Tracer une courbe de recrutement (ou d’entrée/sortie). Celle-ci consiste à enregistrer les MEP à différentes intensités de stimulation et à exprimer ces MEP en fonction de l’intensité de stimulation. Elle permet de détecter le seuil moteur, qui représente le niveau d’excitabilité minimal du cortex moteur, au repos ou lors d’une activation musculaire (contraction isométrique stable). Brièvement, l’intensité de stimulation est augmentée progressivement par palier de 3% (5 stimulations par palier) afin de détecter le seuil moteur. Celle ci correspond à l’intensité pour laquelle quatre réponses sur cinq sont clairement identifiées sur l’activité EMG (activité minimale sur l’antagoniste). Une intensité de stimulation 20-40% supérieure à celle correspondant au seuil moteur est généralement utilisée.

3) Tests neuromusculaires. Il existe dans la littérature une grande diversité de protocole de tests neuromusculaires incluant des stimulations magnétiques. Une batterie de test type comprend généralement des contractions volontaires (3 essais au minimum) brèves (3-5 s) ou soutenues (30 s à 2 min) du groupe musculaire testé à différentes intensités de contraction (e.g., 50, 75 et 100% de la force maximale volontaire) avec des TMS surimposées. Des TMS peuvent également être évoquées au repos afin d’obtenir un MEP alors que la réponse mécanique associée est généralement estimée à partir d’une régression linéaire.

 

Interprétation et analyse des résultats

 

Lors de l’utilisation de la TMS, plusieurs paramètres peuvent être étudiés, fournissant chacun une information différente de l’état de la voie corticospinale :

  • L’amplitude du MEP permet de quantifier l’excitabilité corticale.
  • La période de silence, correspondant à l’arrêt de l’activité EMG pendant la contraction volontaire suite au MEP, renseigne sur l’importance de l’inhibition. L’origine serait spinale pour les premiers 30 à 50 ms (période réfractaire post-dépolarisation) et/ou corticale pour la seconde partie de la période de silence.

Cependant, les interprétations physiologiques liées aux caractéristiques du signal recueilli doivent être réalisées avec précautions car de nombreux facteurs méthodologiques (phénomène d’annulation du signal) et physiologiques (réduction de l’excitabilité sarcolemmale) peuvent modifier l’allure du signal EMG.  Aussi afin de s’affranchir de possible altérations au niveau de la transmission neuromusculaire et/ou de la propagation de l’influx le long de la fibre musculaire, les réponses obtenues sont normalisées au moyen d’ondes M enregistrées dans les mêmes conditions.

Le niveau d’activation cortical. L’estimation du niveau d’activation musculaire d’un sujet lors d’une contraction maximale volontaire est classiquement obtenue à l’aide de la technique de la secousse surimposée proposée par Merton (1954). L’augmentation potentielle du couple de force développé suite à une stimulation électrique supramaximale permet ainsi de détecter la présence d’unités motrices non activées sans toutefois pouvoir déterminer l’origine corticale et/ou spinale de ces adaptations. L’utilisation de la TMS permet de préciser si le déficit d’activation potentiel a une composante supraspinale.

 

 

Mots clés

Neurosciences, Neurophysiologie, Stimulation magnétique transcranienne, TMS, potentiel évoqué, MEP, modulation corticospinale

 

Références

George M, Wassermann EM, Prost RM. Transcranial magnetic stimulation : A neuropsychiatric tool for the 21st century. J Neuropsych Clin Neurosci. 1996 ; 8, 373-382.

Goodall S, Romer LM, Ross EZ. Voluntary activation of human knee extensors measured using transcranial magnetic stimulation. Exp Physiol 2010 ; 94(9), 995-1004.

Keirs L. Magnetic stimulation of the motor cortex. J Clin Neuro 1997 ; 4, 3-8.

Taylor JL, Gandevia SC. Non invasive stimulation of the human corticospinal tract. J Appl Physiol 2004 ; 96, 1496-1503.

 

L’auteur du billet

Olivier Girard est un chercheur très actif dans les champs de la physiologie de l’exercice et de la biomécanique du sport depuis une quinzaine d’année. Ses recherches ont pour finalité d’apporter des solutions concrètes aux athlètes et à leur équipe d’encadrement afin d’améliorer leur performance physique et protéger leur santé. Diplomé de l’université de Montpellier en 2006, il a travaillé au Qatar comme chercheur à Aspetar Orthopaedic and Sports Medicine Hospital. Entre 2014 et 2016, à l’université de Lausanne, il a contribué au développement de méthodes d’entrainement innovantes comme l’entrainement en résistance ou les sprints répétés en hypoxie avec des athlètes de l’élite. Depuis 2016 et son retour au Qatar son activité de recherche concerne également l’utilisation de l’hypoxie à des fins thérapeutiques, notamment avec des patients obèses.