Neurosciences : imagerie motrice et apprentissage moteur

Florent Lebon

MCF, Laboratoire CAPS INSERM U1093
Université de Bourgogne France-Comté, Dijon

florent.Lebon@u-bourgogne.fr

 

Ruffino et al., 2017

L’imagerie motrice est la représentation d’une action, sans production concomitante de mouvement. Il est communément admis que la répétition des mouvements imaginés améliore la performance motrice, dans le domaine de l’entraînement sportif mais également dans celui de la rééducation après blessure centrale ou périphérique. Longtemps utilisée par les entraîneurs et les préparateurs mentaux de façon empirique, l’imagerie motrice a intéressé de façon croissante les neurophysiologistes à partir des années 90. L’objectif était alors de comprendre les bénéfices comportementaux associés à un entraînement mental. Les techniques d’enregistrement et de stimulation corticale ont ainsi montré que l’imagerie motrice, la préparation du mouvement et l’exécution réelle activaient des zones corticales similaires (Jeannerod, 1994). Toutefois, imagerie motrice et préparation du mouvement seraient deux processus cognitifs à part entière (Lebon et al., 2018).

A ce jour, la majorité des études s’entend à dire que l’amélioration de la performance suite à un entraînement mental proviendrait d’une réorganisation de l’activation des aires corticales (avec une activation plus intense et plus spécifique du système moteur). Or, d’autres mécanismes ont également leur importance. Dans une récente revue de littérature (Ruffino et al., 2017), nous suggérons que cette réorganisation corticale serait accompagnée de deux autres mécanismes pour expliquer cette performance accrue : 1) la potentialisation à long terme et 2) la diminution de l’inhibition pré-synaptique au niveau spinal.

– Au niveau cortical et spinal, les processus neuronaux de potentialisation à long-terme lors de l’imagerie motrice permettraient de renforcer la synapse. En effet, la commande motrice subliminale générée pendant l’imagerie motrice renforcerait la sensibilité et la conductivité des synapses dans les réseaux corticospinaux impliqués. Cette hypothèse se base sur la théorie de Hebb, qui stipule que les processus d’apprentissage sont permis par le renforcement des connexions synaptiques entre les neurones. La répétition de mouvements, même imaginés, permettrait ainsi de renforcer la liaison entre le neurone pré et le neurone post-synaptique, augmentant l’efficacité de leur liaison.

– Au niveau spinal, des résultats récents ont montré que la commande motrice descendante générée pendant l’imagerie motrice diminuait l’inhibition pré-synaptique (Grospretre et al., 2017). Les répétitions imaginées moduleraient l’état d’inhibition des interneurones spinaux et augmenteraient ainsi l’excitabilité au niveau spinal. Ce mécanisme neuronal faciliterait la conduction du signal lors d’une contraction réelle.

Les modifications neuronales à la fois au niveau cortical et spinal joueraient ainsi un rôle primordial dans le processus d’apprentissage moteur suite à un entraînement mental. Alors que la majorité des études s’est intéressée à des activations corticales macroscopiques, une perspective de recherche serait de donner plus de considérations aux adaptations synaptiques et à l’excitabilité (cortico)spinale lors de la pratique par imagerie motrice. De futures investigations de ces mécanismes amélioreront la compréhension des bénéfices sous-jacents de l’imagerie motrice.

 

Mots Clés :

Imagerie motrice, apprentissage, plasticité neuronale, neurosciences.

 

Références :

Jeannerod M. (1994) The representing brain: Neural correlates of motor intention and imagery. Behavioral and Brain Sciences, 17, 187-245.

Grosprêtre S, Lebon F, Papaxanthis C, Martin A. (2016) New evidence of corticospinal network modulation induced by motor imagery. Journal of Neurophysiology, 115, 1279-88.

Lebon F, Ruffino C, Greenhouse I, Labruna L, Ivry RB, Papaxanthis C. (2018) The Neural Specificity of Movement Preparation During Actual and Imagined Movements. Cerebral Cortex, in press.

Ruffino C, Papaxanthis C, Lebon F. (2017) Neural plasticity during motor learning with motor imagery practice: Review and perspectives. Neuroscience, 341, 61-78

 

Biographie de l’auteur

Enseignant-chercheur au sein du laboratoire CAPS INSERM U1093 (Dijon, UBFC) depuis 2012, mes travaux de recherche, à la croisée des neurosciences cognitives et comportementales, s’orientent sur la compréhension des mécanismes sous-jacents de l’imagerie motrice et des effets bénéfiques d’un entraînement mental sur l’apprentissage moteur.

orcid.org/0000-0003-0096-9762