L’activité physique pendant nos déplacements : bénéfique pour la santé, le bien-être et… l’environnement ?

Claudia Teran-Escobar

laboratoires SENS (Sport Environnement Social) et PACTE (Sciences sociales), Université Grenoble-Alpes.

claudia.teran-escobar@univ-grenoble-alpes.fr

 

À l’occasion de la Journée de la Terre (chaque 22 avril), je profite pour aborder un sujet qui a commencé à se démarquer dans ces dernières semaines : la relation entre l’activité physique, la santé et l’environnement.

(source image : https://www.fub.fr/velo-ville/environnement/velo-atout-environnement)

Nous sommes probablement au courant sur le fait qu’un Français sur trois n’atteigne pas les recommandations de l’OMS autour de l’activité physique (ONAPS, 2020). Promouvoir l’activité physique afin d’éviter le développement de maladies non-transmissibles et afin d’obtenir tous les bienfaits de l’activité physique semble essentiel dans notre société actuelle. Et si l’on pouvait faire d’une pierre deux coups ? Et si on pouvait promouvoir l’activité physique tout en diminuant nos émissions de polluants nocifs pour la santé et l’environnement ?

En effet, un nombre croissant d’études montre le lien entre la mobilité et l’activité physique. L’usage quotidien du vélo, de la marche à pied, des transports en commun et du covoiturage est associé à des niveaux d’activité physique plus importants que l’usage quotidien de la voiture (Brondeel et al., 2019; Chaix et al., 2019; Kent, 2014). Les usagers quotidiens de la mobilité active et durable sembleraient en plus : d’avoir une meilleure performance au travail (Ma & Ye, 2019), d’avoir une sensation de bien-être plus importante pendant les transports (i.e., en comparaison avec les automobilistes réguliers, Martin et al., 2014), une probabilité plus faible d’être obeses (Frank et al., 2004) et une espérance de vie plus longue (gain d’un an de vie, Cepeda, 2017). Faire de l’activité physique pendant nos déplacements implique des bénéfices sur la santé et le bien-être, cela pourrait aussi avoir des bénéfices pour l’environnement ?

Dans leurs récents articles,  Paquito Bernard et son équipe d recherche (Bernard et al., 2021a, 2021b) montrent l’existence des associations réciproques entre le changement climatique/l’environnement et l’activité physique et sportive.  D’un côté, certaines conséquences du changement climatique (les pics de chaleur, la météorologie plus clémente pendant l’hiver) pourraient impacter les niveaux d’activité physique des individus (e.g., une réduction importante pendant les pics de chaleur, une augmentation pendant les hivers plus cléments).  De l’autre côté, l’activité physique et sportive pourrait avoir un impact sur les émissions de gaz à effet de serre et de polluants de l’air : les évènements sportifs et les compétitions impliquent des déplacements et du tourisme entraînant une empreinte carbonique importante et, la mobilité active (le vélo, la marche à pied, les transports en commun et faire du covoiturage) comme étant une opportunité pour réduire la pollution de l’air et notre empreinte carbonique. Puisque la voiture est une source de polluants de l’air nocifs pour la santé et l’environnement, la réduction de son usage quotidien peut nous permettre de réduire les polluants y associés. Plus précisément dans une étude récente, Brand et al. (2021) soulignent que les individus pourraient réduire leurs émissions de CO2 de -0,5 tons de CO2 par an s’ils utilisaient le vélo (au lieu de la voiture) au moins une fois par semaine pendant un an.

En conclusion, la mobilité quotidienne pourrait être un front d’action pour promouvoir l’activité physique ainsi qu’un front d’action pour promouvoir des styles de vie plus écologiques et moins polluants.

C’est dans ce but que l’équipe interdisciplinaire InterMob (chercheurs en activité physique, géographes, économistes et épidémiologues) de l’Université Grenoble-Alpes vont mettre en place une intervention contrôlée randomisée l’automne prochain. Le but de cette intervention est d’évaluer l’efficacité de l’intervention combinant l’accès gratuit aux transports en commun ou à un vélo (classique ou électrique) et des techniques de changement de comportements (fixation d’objectifs, la prévention d’obstacles, conseils de transport personnalisés pour les participants) ainsi que de quantifier les effets de cette intervention sur l’activité physique, l’exposition à la pollution et la qualité de vie. Pour plus d’information, rendez-vous sur https://mobilair.univ-grenoble-alpes.fr/

 

Références :

Bernard, P., Chevance, G., Kingsbury, C., Baillot, A., Romain, A.-J., Molinier, V., Gadais, T., & Dancause, K. N. (2021). Climate Change, Physical Activity and Sport: A Systematic Review. Sports Medicine. https://doi.org/10.1007/s40279-021-01439-4

Bernard, P., Chevance, G., Kingsbury, C., Gervais, J., Baillot, A., Romain, A. J., Molinier, V., Gadais, T., & Dancause, K. N. (2021). Muscler son jeu dans la lutte contre le changement climatique. Science & Sports. https://doi.org/10.1016/j.scispo.2020.10.006

Brand, C., Götschi, T., Dons, E., Gerike, R., Anaya-Boig, E., Avila-Palencia, I., Nazelle, A. de, Gascon, M., Gaupp-Berghausen, M., Iacorossi, F., Kahlmeier, S., Panis, L. I., Racioppi, F., Rojas-Rueda, D., Standaert, A., Stigell, E., Sulikova, S., Wegener, S., & Nieuwenhuijsen, M. J. (2021). The climate change mitigation impacts of active travel: Evidence from a longitudinal panel study in seven European cities. Global Environmental Change, 67, 102224. https://doi.org/10.1016/j.gloenvcha.2021.102224

Brondeel, R., Wasfi, R., Perchoux, C., Chaix, B., Gerber, P., Gauvin, L., Richard, L., Gaudreau, P., Thierry, B., Chevrier, M., Hoj, S., & Kestens, Y. (2019). Is older adults’ physical activity during transport compensated during other activities? Comparing 4 study cohorts using GPS and accelerometer data. Journal of Transport and Health, 12(October 2018), 229–236. https://doi.org/10.1016/j.jth.2019.02.006

Cepeda, M. (2017). Levels of ambient air pollution according to mode of transport: A systematic review. 2, 12.

Chaix, B., Benmarhnia, T., Kestens, Y., Brondeel, R., Perchoux, C., Gerber, P., & Duncan, D. T. (2019). Combining sensor tracking with a GPS-based mobility survey to better measure physical activity in trips: Public transport generates walking. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 16(1), 84. https://doi.org/10.1186/s12966-019-0841-2

Frank, L. D., Andresen, M. A., & Schmid, T. L. (2004). Obesity relationships with community design, physical activity, and time spent in cars. American Journal of Preventive Medicine, 27(2), 87–96. https://doi.org/10.1016/j.amepre.2004.04.011

Kent, J. L. (2014). Carsharing as active transport: What are the potential health benefits? Journal of Transport and Health, 1(1), 54–62. https://doi.org/10.1016/j.jth.2013.07.003

Ma, L., & Ye, R. (2019). Does daily commuting behavior matter to employee productivity? Journal of Transport Geography, 76, 130–141. https://doi.org/10.1016/j.jtrangeo.2019.03.008

Martin, A., Goryakin, Y., & Suhrcke, M. (2014). Does active commuting improve psychological wellbeing? Longitudinal evidence from eighteen waves of the British Household Panel Survey. Preventive Medicine, 69, 296–303. https://doi.org/10.1016/j.ypmed.2014.08.023

ONAPS. (2020). Résultats de l’enquête: Votre activité physique pendant le confinement. http://www.onaps.fr/news/resultats-enquete-l-activite-physique-pendant-le-confinement/?fbclid=IwAR1SPiYdUqWkGGMi46o0RTNhGE4JU6QBFeUaPbX21bgqYOrCQ6P2Ea1E-X0

 

L’autrice du billet

Claudia Teran-Escobar est doctorante en Psychologie dans les laboratoires SENS (Sport Environnement Social) et PACTE (Sciences sociales) à l’Université Grenoble-Alpes.

Ses travaux de recherche se centrent sur la compréhension des facteurs environnementaux, sociodémographiques et psychologiques qui influencent l’activité physique et la mobilité active et durable. Elle travaille, également, sur la promotion de la mobilité active et durable en utilisant des méthodologies « robustes » (des interventions de changement de comportement contrôlées randomisées).